La mission société numérique a ouvert au mois d’Avril un forum sur le rôle des bibliothèques en matière d’inclusion numérique
Loic Gervais, qui a participé aux groupe de travail interministériel « bibliothèques et inclusion numérique », en a fait un retour sur son blog récemment : http://mediateurnumerique.org/2019/09/12/groupe-de-travail-interministeriel-bibliotheques-et-inclusion-numerique/
Je reproduis ma contribution initialement postée sur le forum au mois de Mai dernier : https://forum.societenumerique.gouv.fr/topic/135/partages-d-exp%C3%A9riences-exemples-et-bonnes-pratiques/4
Rôle des bibliothèques dans l’inclusion numérique
Les médiathèques sont depuis longtemps au croisement des politiques culturelles, éducatives et sociales des collectivités. Elles jouent un rôle en matière de réduction des inégalités d’accès à la culture à travers les champs de la petite enfance, de la réussite éducative, de l’insertion professionnelle, de la lutte contre l’exclusion et de l’accès aux droits.
Les établissements ne travaillent pas seuls et ont su par le développement de partenariats trouver leur place pour ne pas faire à la place des professionnels concernés. Ce positionnement peut se traduire par la mise en place d’un espace emploi formation avec des ouvrages de référence mais également d’une offre de conseils et d’orientation vers les dispositifs et partenaires existants sur le territoire.
Sur la question de la petite enfance, des bibliothèques forment les animateurs péri-scolaires à la lecture aux plus jeunes, un travail d’accompagnement est également mis en place en direction des assistantes maternelles. Les bibliothèques développent des accueils de classe en lien avec les établissements scolaires de leur territoire sur des sujets aussi variés que l’égalité femme homme, la vérification de l’information, les usages du numérique et sont partenaires privilégiés des parcours d’Education Artistique et Culturelle.
Les missions de la bibliothèque ne s’arrêtent pas aux murs de l’établissement et nombreux sont les collègues à mettre en place des actions « hors les murs » intervenant dans les PMI, foyers, centre sociaux, RPA, …
L’élargissement des champs d’intervention des médiathèques les ont amenées à diversifier les profils recrutés, ou à bénéficier de formations. Ces profils et formations ont amenés de nouvelles compétences au sein des équipes ont défrichés de nouveaux axes de réflexion et de développement des publics et font pleinement partie des missions des médiathèques. Ainsi les bibliothèques par la richesse et la diversité des actions proposées sont des lieux d’inclusion sociale. Pour autant cela n’a pas créé de nouveaux métiers, au mieux de nouvelles compétences qu’il s’agit d’intégrer au sein d’une réflexion sur les missions et le projet d’un établissement à l’échelle d’un territoire.
Définitions de la Médiation numérique
Lors des premières assises de la médiation numérique, deux définitions de la médiation numérique avaient émergées. D’un côté une définition venant du monde des Espaces Publiques Numériques :
« La médiation numérique consiste à accompagner des publics variés vers l’autonomie, dans les usages quotidiens des technologies, services et médias numériques ». (Assises de la médiation numérique : frama.link/def-assmednum)
De l’autre une définition issue du monde des bibliothèques, par Silvère Mercier et Lionel Dujol, désignant
la mise « en œuvre des dispositifs […] pour favoriser l’accès organisé ou fortuit, l’appropriation et la dissémination de contenus à des fins de diffusion des savoirs et des savoir-faire. »(Bibliobsession : frama.link/def-bibmednum)
Ces deux définitions sont complémentaires. L’approche portée par les bibliothèques témoigne de leurs capacités à interroger et intégrer les nouveaux champs d’actions afin de trouver un positionnement qui leur soit propre et fasse sens avec leurs missions.
Quelle posture ?
Le médiateur numérique a pour fonction de diffuser une pratique numérique auprès de son public et de la structure qui l’emploie.
Le conseiller médiateur numérique est un intervenant travaillant en relation avec le numérique mais aussi le public et les infrastructures. Il a un rôle de couteau suisse du numérique pour répondre aux questions des différentes structures et des publics auxquels il est confronté (Movilab – frama.link/movilab-mednum).
Il va ainsi accompagner le développement des usages, développer une culture numérique à travers ces outils. Il ne s’agit pas de proposer des ateliers pour faire du numérique, mais de montrer comment les outils numériques peuvent s’adapter à différentes pratiques.
Cependant, Il existe ainsi une frontière poreuse entre accompagnement numérique et accompagnement administratif. Un usage en appelant un autre, il est nécessaire de bien cerner la demande mais également le niveau de compétence de l’usager. Pour effectuer une démarche administrative, cela implique :
- de savoir naviguer sur internet
- de posséder une adresse mail
- de connaitre ses différents identifiants / mot de passe (ordinateur, smartphone, compte Google/Apple, boite mail, services administratifs)
- de savoir organiser et sauvegarder ses fichiers
Le public débutant ne fait pas ou peu la différence entre l’accompagnement technique et l’accompagnement administratif. Il s’attend à trouver des réponses même dans le cas de démarches extérieures à la collectivité (Pôle emploi, impôts, …). Cette confusion est entretenue par différentes administrations qui dirigent le public au sein de nos établissements.
Une médiathèque peut ainsi être amenée à proposer des ateliers de rédaction de CV ou d’aide à la déclaration d’impôts. Cela va dépendre du contexte territorial et des moyens (humains, financiers, matériels) à disposition : de l’accueil d’un permanence pour effectuer des démarches administratives, à l’accompagnement par les bibliothécaires de la rédaction de CV. Ces actions doivent s’inscrire en partenariat avec les différents acteurs du territoire et être formalisées. Le fait de répondre systématiquement à une demande (légitime) et de plus en plus pressante du public peut conduire les bibliothèques à un glissement de fonction qui se retrouvent alors détournées de leurs missions premières.
L’inclusion numérique ne se limite pas aux démarches dématerialisées
La question de l’inclusion numérique a également été abordée à travers la charte du droit fondamental des citoyens à accéder à l’information et aux savoirs par les bibliothèques (Bib’lib’ : frama.link/biblib). Cette charte vise à garantir les conditions d’accès à l’information et sensibilise utilisateurs, professionnels et élus à la question des usages du numérique. Elle met par exemple en avant l’utilisation des licences libres, l’absence de restrictions autres que ceux prévus par la loi sur les accès publics à internet, la mise en place d’ateliers d’accompagnement ou le droit à la copie privée.
Il est important de ne pas réduire la question de l’inclusion numérique aux démarches dématerialisées, mais de développer compétences et compréhensions des outils numériques pour que les publics puissent les réinvestir dans les autres aspects de leurs vies. Ainsi au sein d’un projet d’éducation artistique et culturelle, on va développer le numérique selon différentes approches :
- Des ressources mises à disposition par les partenaires culturels et les artistes eux-mêmes,
- Des outils de création liés à des pratiques qui se sont numérisées (image, son et vidéo),
- Un outil de valorisation des productions permettant une réflexion sur les modes de diffusion et de partage d’expérience,
- Des outils de création spécifique (modélisation 3D, logiciel de programmation, …),
- Un genre artistique s’appuyant sur les spécificités du numérique et regroupant de manière non exhaustive l’art robotique, l’art interactif, la programmation créative, le jeu vidéo ou le Net-Art.
Une compétence à développer, non une affaire de spécialistes
L’explosion des usages numériques nous amène ainsi en tant que médiateur numérique à nous spécialiser d’avantage pour intégrer au mieux la dimension numérique des structures qui nous emploient. Cela revient peu à peu à nous acculturer aux métiers de bibliothécaires, d’animateurs, d’agents administratif, etc … Comme Loïc Gervais l’indique sur son blog :
« Tantôt vous êtes éducateur, tantôt vous êtes conseiller d’une administration en particulier (emploi, famille, impôts). Tantôt vous êtes écrivain public, mais vous êtes que rarement médiateur numérique. » (Loïc Gervais : frama.link/mednumloic)
La médiation numérique (quelle que soit la définition retenue) ne doit pas être une affaire de spécialiste. Il s ‘agit d’une compétence à développer auprès des différents collègues en contact avec le public. Il ne s’agit pas d’un métier propre, mais d’une posture d’accompagnement commune à différents métiers. Le volet médiation numérique fait maintenant partie des pré-requis de recrutement de nombreux établissements quels que soient les profils recrutés.
Il s’agit ensuite pour les établissements de mettre en œuvre des modes d’organisations qui permettront la diffusion des compétences au sein de l’équipe. Cet accompagnement est long mais permettra à moyen terme de faire monter en compétence l’ensemble de l’équipe. En complément les formations aux métiers du livres doivent d’avantage intégrer l’aspect numérique au sein de leurs formations même si des efforts ont été réalisés dans ce sens. Concernant la formation continue les formations CNFPT sur la médiation numérique sont malheureusement trop peu nombreuses et parfois difficiles d’accès, certaines n’étant proposées qu’en région parisienne.